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Journal d'un futur 1


Ce projet a donné lieu a une installation mêlant, photographie, vidéo, bande son et différents éléments issus de véhicules détruits ainsi qu'un amas d'écrans d’ordinateur.

L’ensemble des photos de ce projet représente une vision futuriste personnelle et très sombre de notre avenir. L’idée est de faire entrer le visiteur dans un univers post-apocalyptique (2099) dans lequel il va côtoyer des images très noires, extraites du journal d’un voyageur du futur. Les photos sont accompagnées de textes, sorte de journal (écrits par Bruno SIMON) et relatent les impressions de ce voyageur. Les photos et les textes sont consubstantiels.
Copyright 12/2010 Image: Jean-Paul FERMET / Texte: Bruno SIMON

Etage inférieur 23


3217 ° jour après

Encore, murmura-t-il, en voyant l’écran.

 

Il dut mettre le casque en place et s’installer sur le fauteuil.
Il lui semblait, à chaque fois, que son cerveau ne le supporterait plus,
et pourtant, pouvait-il faire autrement ?

 

Les os de son crâne se tendaient, paraissant se déformer sous l’effet de la suractivité électrique.
Puis il perdit connaissance, pendant un temps qu’il ne put mesurer.
Lorsqu’il se réveilla, une large image des océans d’avant
traversait l’unique pièce qu’il occupait.

 

Les os de son crâne formaient un puzzle
où les pièces n’étaient plus faites pour s’emboîter.
Au moins, pourrait-il acheter de quoi vivre
pendant ces quinze prochains jours


Pluies acides stade 5


Arrière quartier
Zone en cours d’effacement

Le futur n’a plus d’avenir,
disait la phrase qui apparut sur le mur de l’appartement.

Il en avait fait son slogan, presqu’ une aide morale.

Il orienta l’écran vers son visage, s’assit et positionna ses lunettes.

Le goût amer s’estompait à peine que sa tête se renversait déjà.

Des longs voyages dans sa mémoire, il ne gardait que quelques images.
Autant de petits films qu’il se plaisait à revoir sur son rétrorêve.


Pass modifié


Individus non désirés introduits
Isolement total

Les colonnes de ciment
sont autant de miroirs
où rient les masques.

Le silence est de mise
dans toute la profondeur habitée.

Ils sont en quête…

L’information était bonne cette fois.

Tout sera une proie, traînée à la surface.
Puis, disparaîtra à jamais.


Zone rouge


Présence indésirable détectée
Echelle de danger supérieure à 10

Vite
Se hâter
Vite, se presser
Non, ne pas traîner
Se dépêcher

Vite, se cacher
Se rendre invisible
Se fondre
Etre gris
Noir,
Longer les murs
Regarder le sol
Ne pas en détacher les yeux

Vite entrer
Prendre
Sans regarder
Inutile
Prendre
Glisser la carte

Vite repartir


Cycle des froidures


Décade quatrième
13°zéro approché

Plus de onze décades à l’intérieur

– De quelles couleurs s’irise
ce qui sert de voûte céleste ? –

Le cycle des froidures
a été annoncé
bien après les derniers échanges.

La revoir…

Quand ? Où ? Comment ?
Et pourtant,
Rester sans nouvelles,
Est-ce vivre encore ?

Alors, sortir…
Au risque et au mépris

Là où les attentes se rejoignaient,
Tout n’est que de froide solitude.

Et son corps, à elle, que la vie a fui.
Et son cœur, à lui, qui éclate à l’infini.


5 ° Sous-étage


Bloc 2 B
Température extérieure – 47 °

Depuis plusieurs mois, il vivait enfermé, sans contact.
Interdiction formelle lui en était faite.

Son passe désactivé ne lui permettait aucun déplacement.
Il ne restait plus que l’attente de la nouvelle expertise.

Chaque jour, parfois plusieurs fois par jour,
Quand l’angoisse était trop forte, il se glissait sous le casque communicationnel.

Enfin, les résultats

Et comme une explosion dans son corps,
Sa radioactivité avait encore augmenté !


P 47


Quartier BZ 2
Surveillance maximale

Combien sommes-nous encore ?
Impossible de le savoir
Combien étions-nous
Quand tout a commencé ?
Impossible à dire

Jamais plus de trois à chaque échange
Quelques feuilles
Des photographies
Parfois un poème…

Des informations, bribes de savoir,
Dans ce vaste désert d’ignorance
Combien de vies encore dans ce qui fut une ville ?

Savoir, vouloir savoir,
Obsédant besoin chassant souvent la faim

Les documents changent de main
Subrepticement
Dans l’obscurité
A l’abri précaire des caméras


Gommage accidentel


Zone centrale
Translation partielle

Son passage était programmé
Pièce 14 tube Me
Aucune possibilité de s’y soustraire

Pas de présence décelable

Entrer dans la machine… seul
S’abandonner à celle-ci… totalement

La voir le détailler
– de son œil de métal –
La voir prélever dans son corps
– de son bras articulé –
La voir injecter dans son sang
– toujours le même liquide –

et pourtant
ne rien sentir
ne rien ressentir
presque indifférent
comme dans le corps d’un autre


SAS 138


Forte opacité extérieure
Atmosphère réglementée

Chaque fois qu’elles défilaient devant ses yeux,
c’était elle qui lui manquait le plus.

Bien que cela fut vivement déconseillé,
il replongeait souvent dans le fatras des souvenirs.

Et c’était lui le plus présent.
Il le voyait partout


Dans l’habit du couchant
Dans les draps des automnes
Dans l’emballement des néons

Et maintenant
Cette opacité de l’air
Dévoreuse de couleurs.

Et ce rouge à jamais absent


Sous-sol nord


Cycle de la grande nuit
Humidité maximale

Deux jours sans renouvellement…

Les canalisations sont silencieuses,
Il vaut mieux s’allonger…

Respirer, lentement, sans s’endormir surtout,
Respirer et attendre.

La dernière réserve est entamée
Alors s’allonger sans s’endormir

Et guetter l’air dans les tuyaux…


Zoom avant


Zone 7 x
Anomalie repérée

Quand l’ après fut le quotidien,
Quand l’autrement de la vie devint l’habitude,
Quand les restes épars de l’avant furent noyés sous le ciment de l’oubli,
Quand la longue file des jours impossibles
devint le toujours,
Quand les corps extorqués ne furent plus qu’enveloppes,
Quand les esprits lessivés ne furent plus que blanches coquilles,

Alors, leur règne commença…


Cycle des sans-lumière


Latitude 14e SUD
Noir presque total

Au-dessus, tout ne fut plus que ruines
En-dessous, commença une autre vie…

Quand à chacun, un caisson fut attribué
Dans les profondeurs, les corps s’enfermèrent…

Et de toute parole,
Et de tout mouvement,
Il fut fait enregistrement.

Et de tout regard,
Et de tout halètement,
Il fut fait enregistrement.

Et de toute pensée,
Et de tout sentiment,
Il fut fait enregistrement.


Cellule 628


Désinfection complète
Puits non affecté

Etait-ce cela qui le poussait ?
– à agir –
– à sortir –

Cette solitude
Cette absence de l’autre
Ce long isolement
Ce vide des autres

Parler à nouveau
Parler encore
Entendre une autre voix
Tout simplement entendre

Voir l’autre intensément
Oser s’en approcher – si près –
Toucher du doigt le rêve

Et du désir,
Sentir à nouveau
La force et l’arrogance


Champ de cendre


Noman’s land périphérique
Cycle terminal

Des soleils – par milliards – ont éclaboussé le ciel
Une lumière – atroce – a traversé les corps
Une chaleur – sans nom – a consumé l’air pur

Et les yeux se sont éteints …
Et les bouches se sont emplies …
Et les membres se sont tordus …

Le souffle monstrueux, lui, a continué sa route de feu

Et les corps – debout – sont devenus cendres.


Quadrillage non résolu


Descente autorisée
Caisson 38

Alors la vie
remua quelque peu…

Des bribes de vie
sans plus rien
de ce qui faisait la vie.

Pendant cette longue absence,
– Tant avaient disparu –
seul le silence s’était fait entendre.

… un silence absolu
… un silence continu
… un silence d’absence

Alors la vie
remua quelque part …

… lentement
… autrement

à jamais… différente





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